27 Août 2024
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Remerciements spéciaux aux diverses Archives, à L.A. Beaucousin, à Louis Lapert, à Serge Couasnon, à Robert Tougard, à Philippe Gaury et à Françoise Blondel qui ont contribué à constituer ce fonds documentaire.
10 - PART I - CHAPITRE IV - 1ere PARTIE - L'HISTOIRE DU PATRIMOINE VÉGÉTAL D'YVETOT [1021-2021] DE 1021 à La Révolution Française - de 1021-1025 à 1789 - Martin 1er Du Bellay, roi et prince bâtisseur et paysagiste. Création d'une allée royale exceptionnelle et d'un plan terrier (1566)
C'est à partir de cette époque que le paysage d'Yvetot s'est dessiné du fait que Martin a côtoyé François 1er qui s'est inspiré de ses campagnes d'Italie (les jardins de la Renaissance) que Martin, l'historien de François 1er a répliqué avec ses moyens à Yvetot pour son royaume.
On doit à Martin du Bellay le premier "mail" d'Yvetot en 1548 en place de l'actuelle rue Carnot qui allait d'un coin de la place des Belges jusqu'à l'emplacement de l'actuel pont, à l’endroit des anciens entrepôts Gardet et de Bezenac. Cette Avenue, promenade appréciée des yvetotais s’est trouvée malheureusement démantelée autour des années 1840.
Ce qui a donné l'idée d'un second "mail" à la reconstruction d'Yvetot après la seconde guerre mondiale, pâle copie s'il en est...
Martin du Bellay que l'on dit peu soucieux de ses sujets a quand même laissé une trace indélébile même si son œuvre patrimoniale a quasiment disparu sinon peut-être quelques réaménagements d'arbres qui subsistent au commencement de la rue des Chouquettes en partant du pont dit des Dames Blanches vers le centre-ville.
A propos du centre bourg d'Yvetot, c'est Martin du Bellay qui a dessiné en quelque sorte les contours du centre de sa principauté sur laquelle nous reviendrons dans un prochain chapitre. Un des quatre coins du grand rectangle se trouve à l'angle de la rue Rodin et de la Briqueterie avec la rue Rétimare ; l'autre se situerait à l'angle de la rue de la Gare avec la rue des Chouquettes au niveau du Pont des Dames Blanches. à l'opposé de ce vaste rectangle c'est le carrefour de la rue Mare Bridelle avec la rue Niatel et enfin à l'autre encoignure de la rue Felix Faure et de l'actuelle route du Havre. Mais nous ne devons pas cette voie royale a Martin Du Bellay mais plutôt à Louis XV qui avait lancé ce projet avec Trudaine sous le règne du Prince Camille III d'Albon.
Ce rectangle décrit s'est imposé vis à vis d'une tentative de symétrie géométrique dont le centre serait la cour du château, vis à vis des trois règles du paysage de la Renaissance autour d'un château : jardins, forêt (le bois de l'Etoile) et l'eau (les mares de la ville) auquel il faut intégrer ici une promenade ombragée : un mail autrement nommé promenade de l'Etoile.
Ces grands travaux qu'entreprirent Martin du Bellay avec son épouse Isabeau Chenu, jeune héritière de la principauté d’Yvetot ne furent effectifs qu'à la fin de leur règne à partir de 1848, eux-mêmes préférant, il est rapporté, séjourner dans leur château de Glatigny près de Chateaudun. Profitant du déclin de la Collégiale d'Yvetot, ils confisquèrent leurs principaux revenus pour ces travaux de réfection de l'église et des abords du château.
C'est enfin celui qui nous offre quelques pièces iconographiques : portrait, arbre généalogique et représentation scénographique.
Yvetot et ses chefs d'oeuvre en péril
Amateur de patrimoine, il demeure regrettable, qu'elles que soient les raisons, qu'Yvetot n'ait pas pu sauvegarder au cours des siècles ce qui a été paysagé, bâti car bien d'autres élus en aurait fait une cité de caractère originale dans le pays de Caux comme si les acteurs de l’après Révolution française jusqu’à nos jours avaient anéanti et sacrifié son passé royal et princier d'Yvetot sur l'autel de la République (la deuxième et la troisième) ce qui ne fut pas le cas à Versailles, Fontainebleau ou Paris, croyez-le.
Heureusement qu'en 1988, un certain Pierre Bobée, mieux conseillé à l'époque, alors que lui-même avait contribué à raser le Théâtre, la Halle, les Bains Douches, l'Hospice, décida de sauvegarder la chapelle Saint-Louis et surtout le manoir du Fay, enchâssé dans le quartier du Fay. L'objectif était de conserver un "poumon vert à Yvetot" sachant que le centre ville était très ou trop minéral et pour que la ville conserve en partie les assemblages de masures cauchoises. Il faut rapporter que la Chapelle Saint-Louis ne fut plus entretenue durant la fin des mandats de Pierre Bobée, maire et de M. Décultot, maire ou si modestement qu'elle menaça de finir comme ruine, ce qu'elle est finalement advenue.
Quant à Emile Canu, maire on peut lui reconnaitre le fait d'avoir contribué à sauver ce qui a fait figure de reliques de la Chapelle Saint-Louis pour les inscrire dans un musée à Yvetot, au sein de l'Hôpital Local Asselin-Hedelin et d'avoir pu sauver les deux buis bicentenaires dans le périmètre de la chapelle.
Mais j'ai conservé la mémoire de la cinquantaine de trèfles de cette chapelle Saint-Louis, je vous en reparlerai le moment venu. J'en ai quelques clichés et j'en ai fait redessiner d'autres d'après photo d'archives. L'abbé Cochet, ancien conservateur du Musée des Antiquités de Rouen en faisait l'éloge à la fin du 19e siècle, parlant de ce joyau et de cette collection botanique exceptionnelle sculptée en creux dans la pierre : une petite merveille disparue à jamais et que personne n'a vu tomber.
J'ai découvert ce trésor des trèfles une fois qu'ils furent anéantis dans les gravats au moment de mes enquètes de terrain dès 2019.
Je vais consacrer un chapitre dédié à cette chapelle Saint-Louis et à ses trésors disparus. Le CEPC de l'époque avait récupéré des objets religieux qui ont été exposés en 2011 à Yvetot à l'office du tourisme.
Et M. François, maire, profitant de l'état des ruines de l'après Guerre de l'ancienne institution éclésiastique - où fut scolarisé Maupassant - fit tracer et exproprier bon de nombre de propriétés pour cette percée de la Nationale 15, en plein centre-ville dont le sort contemporain laisse aujourd'hui les yvetotais pantois et entravés dans leur mobilité et dans leur circulation à Yvetot, venant du Havre ou se dirigeant dans cet axe. Mauvais coup du sort ou ironie du sort!
Avant de présenter ce que j'ai pu compiler à propos d'Isabeau Chenu et de Martin du Bellay, il faut bien dire qu'à partir de cette époque de la Renaissance, la France a constitué des fonds d'archives plus importants et mieux conservés depuis. S'agissant d'Yvetot, ces fonds sont disséminés ici et là et l'ont été surtout après la Révolution francaise. Beaucousin en retrouva la trace dans un château du Calvados comme nous l'a rappelé récement M. Philippe Gaury, auteur notamment de l'étude historique : "Il était une fois entre Barentin et Yvetot".
Ce qui est intéressant de préciser présentement c'est que l'histoire de ce couple royal devenu princier à la fin de leur règne se caractérise par des points de vue différents selon les perspectives dessinées par les "historien(nes) s" qui les ont interprêté d'après leurs sources, leurs lectures ou leur angle de recherche.
De mon côté, vous l'aurez deviné, j'ai insisté sur l'aspect patrimonial dont il ne reste aujourd'hui que peu d'archives "naturelles ou bâties"
Pportrait de Martin du Bellay [1], auteur des Mémoires historiques de 1519 à 1549
A l’époque de la rédaction du plan terrier de 1566, l’histoire nous révèle la période pendant laquelle Martin 1er du Bellay [2] fut tour à tour roi et prince, décrit l’implication sans équivoque de ce prince bâtisseur, jardinier et paysagiste.
On peut interpréter et expliquer son œuvre par son parcours militaire aux côtés de François 1er dans ses campagnes italiennes qui ont forgé probablement son goût pour le jardin et le paysage. C’est en épousant Isabeau Chenu, héritière du royaume d’Yvetot que son attache pour ce territoire lui donna l’occasion de dessiner un autre visage pour la cité inspiré par sa province d’origine, l’Anjou dont les parcs et jardins Renaissance ont fleuri depuis la fin du XVème siècle simultanément à ceux normands d’Etelan en Seine Maritime (1494) qui reçut la visite de François 1er [3] qui venait y chasser et de Catherine de Médicis, régente du royaume, accompagnée de son fils Charles IX et de Gaillon dans l’Eure (1498-1510).
[1] In : https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_du_Bellay
[2] Le dernier « roi » d’Yvetot et les princes qui lui ont succédé étaient en parenté avec Joachim du Bellay, le poète de la « Pléiade », par Jean Bellay, père d’Eustache du Bellay (Joachim) et par Louis du Bellay (Martin), cousin de Joachim du Bellay " Heureux qui comme Ulysse..." : In : Le Pucheux, bulletin de recherches d’histoire et traditions normandes, Le Royaume d’Yvetot, un Paradis Fiscal au Cœur du Pas de Caux, Robert Tougard, numéro 80 – Saint-Pierre 2003, p.30.
[3] Lors du « règne de François 1er son produit est quatre millions de livres, il passe à six millions dès 1552 » in : Le Pucheux, bulletin de recherches d’histoire et traditions normandes, Le Royaume d’Yvetot, un Paradis Fiscal au Cœur du Pas de Caux, Robert Tougard, numéro 80 – Saint-Pierre 2003, p.15.
A l’époque de la rédaction du plan terrier de 1566, l’histoire nous révèle la période pendant laquelle Martin 1er du Bellay[1] fut tour à tour roi et prince, décrit l’implication sans équivoque de ce prince bâtisseur, jardinier et paysagiste.
On peut interpréter et expliquer son œuvre par son parcours militaire aux côtés de François 1er dans ses campagnes italiennes qui ont forgé probablement son goût pour le jardin et le paysage. C’est en épousant Isabeau Chenu, héritière du royaume d’Yvetot que son attache pour ce territoire lui donna l’occasion de dessiner un autre visage pour la cité inspiré par sa province d’origine, l’Anjou dont les parcs et jardins Renaissance ont fleuri depuis la fin du XVème siècle simultanément à ceux normands d’Etelan en Seine Maritime (1494) qui reçut la visite de François Ier[2] qui venait y chasser et de Catherine de Médicis, régente du royaume, accompagnée de son fils Charles IX et de Gaillon dans l’Eure (1498-1510).
Martin du Bellay : armoiries et arbre
https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&n=du+bellay&oc=1&p=martin
Martin Du Bellay [1]
Martin et Joachim, cousins restent les plus célèbres de la famille Du Bellay.
« Homme de guerre français (vers 1495-Glatigny, Loir-et-Cher, 1559), frère de Guillaume Du Bellay et de Jean Du Bellay, et cousin du poète Joachim Du Bellay.
Lieutenant général en Champagne (1546) puis en Normandie (1551), il a laissé des Mémoires couvrant le règne de François Ier. »
1532 Famille Du Bellay[2]
« Isabeau Chenu, la jeune héritière de la principauté d’Yvetot, épousa, le 31 juillet 1532, Martin du Bellay, seigneur de la Herbaudière, qui appartenait à l’une des plus anciennes familles d’Anjou et des plus illustres de cette époque. Son père, Louis du Bellay, seigneur de Langey, portait : d’argeni, à la bande fuselée de gueule, accompagnée de six fleurs de lis d’azur (…). Il avait eu trois fils : 1° Guillaume, L’ainé fut gouverneur du Piémont sous François 1er. (…) 2° Jehan, le second, plus connu sous le nom de Cardinal du Bellay (…) 3° Martin, le dernier, en épousant Isabeau Chenu, devint prince d’Yvetot ; la mort de son frère aîné lui mit entre les mains la seigneurie de Langey et le rendit le chef de la famille. (…) Il assista aux batailles de Novarre, de Marignan et de Pavie. (…)
Il prit part à la campagne de Flandre, s’empara de Landrecies, et François 1er le créa chevalier de l’ordre de Saint-Michel (remis en 1555 par Henri II)
Après avoir été gouverneur de Turin, il fut nommé lieutenant-général pour le roi aux gouvernements de Picardie et d’Artois, puis enfin à celui de Normandie, charge qu’il conservera jusqu’à sa mort. (…) Il écrivit dans ses dernières années des mémoires forts estimés sur les principaux évènements du règne de François 1er.
Aux premiers temps de son union avec Isabeau Chenu, il ne parait pas s’en être occupé. Ni lui ni sa femme n’y résidèrent jamais. (…) Ses domaines de Normandie étaient alors abandonnés aux soins d’hommes d’affaires et de procureurs. (…) »
« A la mort de François 1er, le roi d’Yvetot sollicita Henri II, son successeur, de nouvelles lettres patentes confirmant ses privilèges. Elles lui furent délivrées en février 1550. Mais le Parlement de Normandie et la Cour des Aides, manifestant une nouvelle fois leur hostilité, les enregistrèrent avec clause restrictive. »[3]
« Désormais rassuré sur le maintien de ses privilèges, le roi d’Yvetot tourna son attention vers les soins que réclamait la principauté, et on le vit rechercher d’un œil vigilant les abus qui s’y étaient introduits, pour les supprimer, en même temps qu’il s’occupait d’y faire toutes sortes d’amélioration et d’embellissements. (…) [4]»
Une succession d’octrois concédés par Henri II sont suivis de restriction du Parlement de Normandie qui finiront par affaiblir son crédit auprès du roi de France jusqu’en 1553, quoiqu’il soit confirmé à son égard « tous les privilèges, concessions, libertés, franchises, exemptions de ban et d’arrière-ban, de tailles, impositions, gabelles, emprunts, fouage et autres exemptions - mais à la satisfaction des magistrats rouennais, elles revenaient sur les principales prérogatives établissant la souveraineté. Le seigneur d’Yvetot perdait en effet le droit de haute justice et était assimilé aux autres nobles du royaume, et, à ce titre, désormais tenu de rendre foi et hommage au roi de France. C’est là l’arrêt de mort du royaume. Martin du Bellay et Isabeau Chenu l’ont compris. […] ne se faisant plus dès lors nommer que prince et princesse d’Yvetot. [5]»
[1] In : https://www.larousse.fr/encyclopedie/personnage/Martin_Du_Bellay/187441
[2] In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.132-133.
[3] In : Serge Couasnon, Le petit Roi d’Yvetot, Editions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 2005, p.63.
[4] In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.136
[5] Aux multiples titres dont ceux de seigneur de Langey ? seigneur de Glatigny, seigneur d’Ecalles-Alix, Saincte-Marye des Champs et Saint-Cler sur les Monts… In : Serge Couasnon, Le petit Roi d’Yvetot, Editions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 2005, p.64-65.
Martin du Bellay[1] aux côtés de Palissy et de Rabelais
« Jean et Guillaume Du Bellay furent les amis et protecteurs de Rabelais. Il faut probablement ajouter Martin Du Bellay. En effet, lui et François Rabelais se trouvent à la même époque en Picardie, lors du conflit contre les Anglais. (Étude de Franck Rolland Palissy, Rabelais, Serlio et le Château et le Jardin de Troissereux. Martin Du Bellay, frère de Jean et Guillaume né à Souday dans le Loir-et-Cher comme ses deux frères (Guillaume et Jean), fut lieutenant général de Normandie. Ses Mémoires Historiques sont plus célèbres que celles de Guillaume. »
Autre portrait de Martin Du Bellay [1]
Martin 1er du Bellay, « bâtisseur et paysagiste ».[2] de la Renaissance.
Martin du Bellay fut le dernier roi d'Yvetot et premier prince d'Yvetot, il avait arpenté l'Italie aux côtés de François 1er, étant également seigneur en Anjou (Langey), la terre d’Henri II. [1] https://fr.wikipedia.org/wiki/Martin_du_Bellay
[2] Michel Baridon souligne qu’au XVIème siècle, de Louis XII à Henri IV Catherine de Médicis avaient contribué à des programmes ambitieux de jardins. Baridon cite notamment les travaux de PH. de l'Orme qui travailla pour Henri II. Son contemporain de l'époque B. Palissy (1563) s'appliqua quant à lui à la Recette véritable sur un concept très différent. In : Michel Baridon, Les Jardins, Paysagistes-jardiniers-poètes, Robert Laffont, Paris, 1998, p.700 et 696.
In : https://gw.geneanet.org/pierfit?lang=fr&n=du+bellay&oc=1&p=martin
In : https://gallica.bnf.fr/ark:/12148/btv1b9001107v/f519.item.zoom
Sur l'inspiration de ses campagnes italiennes, romaines et angevine, il décida de réaménager la grande allée (mail), depuis le prolongement des jardins de son château.
Peu avant 1548 [1] Martin du Bellay saisit les revenus de la collégiale [2] d’Yvetot et le paysage d’Yvetot s’en fut changé durablement.
Ainsi a été dessinée la promenade de l'Étoile, allée royale de près de 900 mètres qui résistera au temps jusqu'à la fin du XIXème siècle jusqu'au rétablissement de la République après 1871. Cette allée royale réaménagée s'est progressivement transformée au 19e siècle et finir par être tronçonnée pour se transformer en rue Carnot traversée dans les années 60 par la percée de la nationale 13.
Serge Couasnon[3] a su signaler cette transformation du bourg car il évoque lui aussi la reconstruction d’une chapelle [4], de l’église, du château d’Yvetot et d’un aménagement d’une longue et belle avenue d’arbres ainsi qu’un parc arboré baptisé Bois de l’Etoile [5] en raison du dessin que traçaient ses allées.
Serge Couasnon l’avait appris de Beaucousin [6] qui avait décrit cet épisode :
" C’est ainsi que la collégiale d’Yvetot était tombée en décadence : on n’y célébrait plus l’office divin imposé par le fondateur ; les ornements étaient mal entretenus ; les reliques et les objets du culte, détériorés ou détruits, « ce qui est advenu et adviens, comme l’apprit le seigneur d’Yvetot, par la non-résidence, avarice, dissipation et dépravation des chanoynes » Du château de Glatigny , où il se trouvait, il écrivit à son bailli de remédier à ces désordres et de saisir le temporel des chanoines qui, ne résidant point, n’accomplissaient plus leur devoir, pour en employer les revenus à la réparation de la chapelle et à l’entretien des ornements. Là ne s’arrête pas sa sollicitude. L’église, située près de la cour du château, avait tellement souffert des guerres du siècle précédent, qu’elle était menacée d’une ruine prochaine[7]. Martin la fit reconstruire en belle pierre blanche et à cul de lampe. (…) Le château fut aussi rebâti par notre prince, qui fit sculpter ses armoiries au-dessus de la porte d’entrée. (…) Cette construction occupait l’emplacement où passe maintenant la rue l’Albon, et sur lequel ont été bâties une partie des maisons qui séparent cette rue de la place actuelle de la Halle. Le château ne faisait pas plus que l’église grand honneur à l’architecte. C’était en effet un bâtiment carré, massif et percé de fenêtres irrégulières. Posé sur une motte artificielle, entourée d’eau de tous côtés, on y accédait par un pont de bois qui fut plus tard remplacé par un pont de pierre. Mais ce qu’il y avait de véritablement beau, c’était l’avenue qui, partant de la demeure seigneuriale, se développait sur une longueur de près d’un kilomètre dans la direction que suit la rue du Petit-Bois, jusqu’à la mare de Ville, laquelle existait déjà depuis longtemps à cette époque. Le long d’une partie de cette avenue, du côté nord et à la place où se trouve maintenant le Champ-de-Mars, Martin fit planter des arbres en quinconce, et l’on traça sur le terrain des allées qui dessinaient une étoile, d’où lui vint le nom de Bois de l’Etoile, qu’il conserva jusqu’à la Révolution. Le petit bois qui a donné son nom à la rue actuelle se trouvait un peu plus loin."
[1] En 1548, Henri II est marié à Catherine de Médicis cependant il fait construire le château d’Anet et son domaine pour Diane de Poitiers par Philibert de l'Orme. C’est Jean du Bellay qui fit connaître De l'Orme à la cour de François Ier et d'Henri II : in : https://www.wikiwand.com/fr/Philibert_Delorme.
[2] La collégiale « Jehan IV était encore jeune et n’avait que le titre d’écuyer, lorsque son père lui laissa par sa mort la principauté ; mais il montrait déjà une intelligence et des talents qui lui assignent parmi les princes d’Yvetot une place distinguée. Un de ses premiers actes fut l’établissement dans l’église d’Yvetot d’une collégiale, qui s’est maintenue à travers les siècles jusqu’à la Révolution française. La charte de fondation, datée du 12 janvier 1351 (nouveau style), commence ainsi : « A tous celz qui ces présentes lectres veiront et orront, Jehan, sire d’Ivetot, salut en nostre seigneur Jésus-Christ. Comme nous affectans souverènement et désirans le service divin estre accru en nos temps et augmenté, et eue sur ce bonne et convenable délibéracion avec nos amis et nostres conseil, avons intencion et propos en lonour et révérence de saincte Trinité, de la très glorieuse vierge Marie (…) et par espécial de monsieur sainct Jehan-Baptiste, et en son nom, et pour le profis et salut des ames de nous (…) de fonder et doter trois canonies et provendes estre déservies perpétuellement en l’église parrochial d’Ivetot, de laquele nous sommes vroy et soeul patron (…) » Vient ensuite l’énumération des terres et rentes affectéées a chacun des chanoines, qu’il dota libéralement. Cette liste est fort intéressante, en ce qu’elle fait connaître une partie du territoire d’Yvetot à cette époque, et qu’on y voit indiqués des moulins et des mares qui existent encore, ou n’ont disparu que depuis quelques années. Cette fondation fut approuvée le 2 septembre 1351 par Jehan de Marigny, archevêque de Rouen. » Jehan IV voulut aussi reconstruire l’église d’Yvetot entre 1371 et 1381. In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.41.
[3] In : Serge Couasnon, Le petit Roi d’Yvetot, Editions Charles Corlet, Condé-sur-Noireau, 2005, p.61
[4] En 2020, au moment où des fouilles ont révélé la présence d’un ancien cimetière à l’emplacement de l’ancienne Caisse d’Epargne entre l’ancienne rue des Caves et la rue du Calvaire, J’ai pensé un instant que le Cimetière Saint-Roch avait fait place à l’ancien cimetière, qui était alors autour de l’église, n’a été déplacé qu’au moment de la reconstruction de cet édifice, en 1766. On l’établit rue du Calvaire, dans un terrain qui fait face à la rue de l’Avalasse ; il portait le nom de Cimetière Saint-Roch. Plus tard, il a été transféré dans la rue Saint-François, et enfin, à l’endroit qu’il occupe aujourd’hui. In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie-Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p. 199.
[5] « Lors de la Révolution française, l’avenue du château devient Rue du Petit Bois ? Dénommée ainsi du fait qu’elle longe le bois de l’étoile. »
Cette avenue semble avoir complétement disparue dès 1841 qui de mémoire d’ancien collaborateur de la Maison Vatine a connu l’existence d’une ardoise datée de 1841 issue d’un bâtiment construit après 1840, ce que viennent confirmer les cartes postales anciennes de la fin du 19e siècle et du début du 20e siècle.
[6] In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.136-137-138.
[7] « Au 14e siècle on ne fondait plus d’abbayes en Pays de Caux, on n’en avait plus les moyens, il avait alors grande pitié au Royaume de France, 1345 : la famine, 1346 : Crécy, la peste noire de 1347 à 1350.
Et c’est précisément en cette année 1350 que Jehan IV d’Yvetot fonda dans son mini royaume une collégiale qui devait être ultérieurement un asile pour son âme et celle de sa femme, un asile de prières et de ferveur… [La charte de la fondation - fixée et assignée sur de bons revenus – fut approuvée et solennellement confirmée par Mgr Jean de Marigny. Cet archevêque de Rouen dans la situation qui sévissait alors dans son diocèse […] Jean de Marigny ne pouvait être que très favorable à l’établissement de collégiales en dehors du chapitre métropolitain en vue du raffermissement de la foi et ceci dans un temps où les communications entre Yvetot et le siège du diocèse étaient parfois périlleuses. Cette collégiale d’Yvetot fut mise sous le vocable de Monsieur Saint Jean-Baptiste, elle avait pour vocation d’assurer le repos et salut des âmes du fondateur, de sa progéniture et de tous ses amis trépassés. La collégiale comprenait à l’origine trois chanoines ayant droit au chapitre, à sa tête un doyen qui dispose de la 1ère voix et doit – suivant les termes de la charte – avoir la cure des âmes de ses compagnons chanoines.
Un peu plus tardivement, en 1360, Jehan IV ajoute un nouveau canonicat aux trois premiers, il modifie en conséquence la charte et prend soin cette fois-ci d’ajouter à ses pieuses intentions, sa nouvelle épouse, sa très chère compagne Isabelle de Rouveray. […] Quelques temps après la fondation de la collégiale, les chanoines reçurent deux chandeliers de Charles V, lorsque parcourant la Normandie le Roi de France avait tenu à rendre visite au chapitre sur les recommandations de son fidèle maître d’hôtel Jehan IV Roi d’Yvetot.
In : Article de Robert Tougard édité sous sa présidence dans la Gazette du Patrimoine Cauchois n°7 – 2e semestre 1996, p.6-9.
Extrait de l'Atlas Trudaine des routes de France - Yvetot à Alvimare - Trudaine, Charles Daniel - 1745- 1780- Cote ENSA - CARTO - CD 37
En haut à droite le chateau de Martin du Bellay d'où a été tracée l'avenue "le mail" et de chaque côté bois, bois de l'Etoile et terres de pépinières et le champ de Mars. On devine la rue des Chouquettes qui decend vers le centre ville et au niveau du Bois se trouve actuellement l''Ehpad des Dames Blanches. vers le haut on discerne le future tracé de la voie royale qui sera tracée, empruntant l'actuelle rue de Calvaire.
Robert Tougard [1] insiste lui aussi sur cette période et souligne en outre l’énigmatique chopière sans en donner la définition et l’usage. Et pourtant cette chopière avait une véritable fonction. Son nom se trouve consigné sur le plan scénographique d’Yvetot datant de 1780.
Pascal Bouchard, auteur de l'ouvrage "Gens du pays de Caux"- 1981, signale qu'une chopière est la pépinière des plants de colza qui étaient ensuite repiqués dans les plaines, ce que ma grand-mère paternelle faisait jadis près d'Héricourt-en-Caux d'après mon oncle Jean Levaillant qui jeune l'accompagnait aux champs pour l'y aider.
Robert Tougard poursuit en écrivant :
« Bien que ne résidant pas habituellement à Yvetot, Martin 1er du Bellay ne négligea pas pour autant cette cité. Il fit reconstruire son église menacée de ruines. Il créa une très belle et longue avenue bordée d’arbres qui partant du champ de foire et du champ de Mars venait directement sur la place d’Armes (où se trouvait le château, à l’endroit de la place des Belges actuelle) de quoi faire pâlir d’envie nos architectes paysagistes modernes. D’un côté de l’avenue de la basse-cour du château et le Bois de l’Etoile, et de l’autre un endroit dénommé Chopière [2] et arboré un peu plus loin [3] »
Il serait possible de nommer cette allée royale « mail », car l’allée est longue de 900 mètres environ, planté d’une double rangée d’arbres.
[1] In : Le Pucheux, bulletin de recherches d’histoire et traditions normandes, Le Royaume d’Yvetot, un Paradis Fiscal au Cœur du Pas de Caux, Robert Tougard, numéro 80 – Saint-Pierre 2003, p.15.
[2] « On semait le 8 ou le 10 août une pépinière de colza en bordure de la pièce de terre destinée à ce Compôt. Il levait rapidement et l’on avait du jeune plant, de la chopière, que l’on repiquait début octobre. »
In : Pascal Bouchard, Didier Le Scour, Pays de Caux, Des mots et des gens, Garnier, 1981, p.37.
Compôt : « Exemple : pièce de terre qui doit être semée en blé », In : Pascal Bouchard, Didier Le Scour, Pays de Caux, Des mots et des gens, Garnier, 1981, p.162
Chopière : « La pépinière où le plant de colza est semé » In : Pascal Bouchard, Didier Le Scour, Pays de Caux, Des mots et des gens, Garnier, 1981, p.162
[3] In : “Un relais de poste, rue Carnot ?” par Robert Tougard, page 11. La Gazette du Patrimoine Cauchois – livraison n° 7, 2° semestre 1996.
Extrait de l'Atlas Trudaine des routes de France - Yvetot à Alvimare - Trudaine, Charles Daniel - 1745- 1780- Cote ENSA - CARTO - CD 37
Sur cette vue, on peut juger de la taille et les contours du domaine princier qui comporte le château au bout de l'allée en haut à droite avec la mare, à son côté l’endroit des chopières, en face le champ de mars, puis en descendant l'allée royale le bois de l'étoile et le bois prolongé d'un verger de part et d'autre de" ce qui sera la voie royale venant de Pais au Havre et tout au bout de l'allée plantée une autre mare.
Pour se repérer il faut imaginer le château à l'angle de la place des Belges actuelle (Café et fleuriste) le bois correspond à l’EHPAD des Dames Blanches, la mare du bout de la ville à la place du pont de chemin de fer, route de Grémonville.
Le tracé de la voie royale qui sera effective sous le règne de Louis XVI traverse les champs du prince d'Albon puisque le plan Trudaine a été commencé sous Louis XV et achevé sous Louis XVI pour rejoindre l'actuelle rue du Calvaire. Sous le château on discerne l'ancienne rue des Victoires en prolongement d'une patte d'oie venant de l'actuelle rue de la République et de l'actuelle rue des Chouquettes bordant le Champ de Mars.
En 1844 on peut lire encore : "La ville consiste, pour ainsi dire, en une principale rue de 4 k. de long, formée de maisons basses, construites en bois et couvertes en ardoises, dont l'aspect est assez agréable. On y remarque-la belle promenade de l'Etoile, formée de plusieurs rangs d'arbres bien alignés.[1]"
Depuis la reconstruction d’Yvetot, après-guerre, le centre-ville redessiné sur les amas de gravats possède finalement un nouveau mail d’une toute autre nature rappellant cette de Martin Du Bellay.
Au 16e siècle les alignements linéaires et réguliers étaient fréquents en ville depuis l’incitation d’Henri II dès 1552 ordonnés par lettres patentes [2] auprès de ses seigneurs à orner rues et routes et chemins publics tels les mails de l’antiquité.
« Le 9 mars 1559, Martin du Bellay (…) mourut en son château de Glatigny [3], où il vivait retiré des affaires et loin de la cour. [4] »
C’est au cours du règne de Martin 1er du Bellay qu’il fit procéder à l’édition d’un plan terrier venant probablement consacrer toutes ses récentes transformations de la cité décidées depuis 1548. La division de certains fiefs, la vente de nouveaux terrains devait se trouver fixé sur un plan cadastral et décrit sur un registre sur lequel nous verrons attribué le fief de Mézerville.
[1] D’après le Dictionnaire géographique, historique, industriel et commercial de toutes les communes de la France et de plus de 20,000 hameaux en dépendant : illustré de 100 gravures de costumes coloriés, plans et armes des villes, etc., Volume 3 / par Girault de Saint-Fargeau par Girault de Saint-Fargeau, Girault de Saint-Fargeau, Eusèbe (1799-1855), Edition F. Didot (Paris), 1844-1846, http://catalogue.bnf.fr/ark:/12148/cb362796077
[2] Les lettres patentes : www.cnrtl.fr › lexicographie › patente
[3] Commune de Soudais : 6 Fi 248/13 Château de Glatigny. Trois du Bellay y sont nés, Rabelais y vécut.
[4] In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.148.
"Robert Chenu[1] dit le « Bastard d’Yvetot » aux côtés de François 1er assista à la bataille de Pavie. En 1550 il épousa Marie Queslot, fille d’un bourgeois de Rouen. Possédant de belles terres au hameau de Mézerville,
Martin du Bellay érigea la terre de Mézerville en fief. Robert Chenu devint alors sieur de Réthymare et de Mézerville.
[1] In : Histoire de la principauté d’Yvetot, ses rois, ses seigneurs, Beaucousin, Métairie- Delamare, Rouen-Yvetot, 1884, p.126
La famille du Bellay [1]
La famille du Bellay, parente du célèbre poète angevin Joachim du Bellay, habita le château de Gizeux pendant près de 350 ans. C’est à elle que l’on doit notamment le corps de logis (partie centrale du château en forme de U, une architecture typique des constructions de la Renaissance en Val de Loire).
Elle s’y installa au début du XIVe siècle et y vécu jusqu’en 1661. René du Bellay et son épouse, la princesse Marie d’Yvetot, donnèrent tout son éclat au château, en le faisant décorer entièrement par des peintres italiens. La Galerie François Ier est un témoignage de cette époque. [2]
Le dernier « roi » d’Yvetot et les princes qui lui ont succédé étaient en parenté avec Joachim du Bellay, le poète de la « Pléiade », par Jean Bellay, père d’Eustache du Bellay (Joachim) et par Louis du Bellay (Martin), cousin de Joachim du Bellay " Heureux qui comme Ulysse..."[3] :
"Considéré à la cour de François Ier, à celle de Henri II, par son esprit et ses talens, Joachim du Bellay sut encore se faire aimer de tous les hommes de lettres de son temps, et particulièrement de Ronsard, auquel on le comparait quelquefois. Moins riche que Ronsard dans l'invention, mais plus doux, plus facile dans l'expression, il eut peut-être surpassé son émule, si la mort ne l'eût enlevé à la fleur de l'âge. Le genre de ses poésies, la grâce et la douceur de ses vers, le firent nommer le Catulle français. [4]"
[2] In : https://www.chateaudegizeux.com/decouvrez_l_histoire/decouvrez_histoire_du_bellay_gizeux
[3] In : Le Pucheux, bulletin de recherches d’histoire et traditions normandes, Le Royaume d’Yvetot, un Paradis Fiscal au Cœur du Pas de Caux, Robert Tougard, numéro 80 – Saint-Pierre 2003.
[4] https://www.wiki-anjou.fr/index.php/Famille_Du_Bellay_par_J.-F._Bodin
Extraits de : « Il était un roi d'Yvetot peu connu dans l'histoire... »
Conférence donnée par Françoise Blondel le 16 septembre 2016 et publiée en 2 parties dans « La Gazette du Patrimoine Cauchois n° 48 du 2ème semestre 2016 et n° 49 du 1er semestre 2017
Source transmise par Françoise Blondel, membre du C.E.P.C., avec son aimable autorisation.
MARTIN 1er DU BELLAY (1495-1559) - (Roi d'Yvetot de 1532 à 1553 puis Prince d'Yvetot de 1553 à 1559)
Né en 1495, Martin du Bellay, appartient à l’une des plus anciennes et des plus illustres familles d’Anjou de cette époque. Lui aussi passe une grande partie de sa vie dans les camps. Capitaine d’une bravoure éprouvée, fidèle serviteur de François 1er, il participe aux batailles de Novarre, de Pavie et de Marignan où il combat sous la conduite du duc de Bourbon, Connétable de France, qui s’engagera plus tard, aux côtés de Charles Quint, adversaire déterminé du roi de France.
Il prend part aussi à la campagne de Flandres, s’empare de Landrecies et François 1er le crée chevalier de l’Ordre de Saint-Michel. Après avoir été gouverneur de Turin à la mort de son frère Guillaume, il est nommé lieutenant général pour le roi aux gouvernements de Picardie et d’Artois, puis enfin, en 1551, gouverneur général de la Normandie, charge qu’il conservera jusqu’à sa mort. Non seulement guerrier, mais diplomate et négociateur habile, le roi-chevalier lui confie plusieurs missions délicates, en Allemagne près de Charles Quint notamment. Martin du Bellay accompagne également François 1er lors du Camp du Drap d’Or en 1520.
C’est à lui, que l’on doit la scène du récit de la mort du chevalier sans peur et sans reproche Bayard, scène qui fut reproduite pendant très longtemps dans tous les manuels d’histoire de France. Le duc de Bourbon vient saluer le soldat valeureux et lui dit :
« qu’il avait pitié de lui, le voyant dans cet état, pour avoir été si vertueux chevalier » et Bayard de lui répliquer : « Monsieur, il n’y a point de pitié en moi, car je meurs en homme de bien, mais j’ai pitié de vous, de vous voir servir contre votre prince et votre patrie et votre serment ».
L’histoire a retenu également, le nom des deux frères de Martin 1er du Bellay. L’aîné, Guillaume, consacre toute sa jeunesse aux guerres d’Italie et combat également à la bataille de Pavie. Gouverneur de Turin en 1527, puis lieutenant du roi au Piémont, il remplit de nombreuses ambassades tant en Allemagne qu’en Angleterre et le roi-chevalier le charge parfois de missions secrètes. Il accorda sa protection à François Rabelais qui fut son médecin. Le puîné, Jean, est successivement évêque de Bayonne, de Paris et de Limoges. Diplomate lui aussi, il est parmi les ambassadeurs auprès d’Henri VIII d’Angleterre, qui tenteront de l’empêcher de rompre avec le pape, mission qui échouera, comme on le sait. Disgracié par Henri II, il se retire à Rome, où il devient évêque d’Ostie.
Enfin, Martin du Bellay, avait pour cousin, Joachim du Bellay, le fondateur de la Pléiade, groupe de sept poètes (parmi lesquels Pierre de Ronsard), pour lequel il rédigea un manifeste : « Défense et illustration de la langue française » et à qui l’on doit l’un des vers les plus célèbres de la poésie française « Heureux qui comme Ulysse a fait un beau voyage ».
Chose rare en son temps, le guerrier est doublé d’un homme de lettres. Il possède une riche et importante « librairie » (nom de l’époque pour désigner une bibliothèque) que lui a laissée son père, et dans ses dernières années, il écrira des mémoires qui furent publiés plusieurs années après sa mort par René du Bellay, son gendre (et prince d’Yvetot de 1589 à 1606) sous le nom de : « Mémoires de Messire Martin du Bellay, seigneur de Langey, contenant le discours de plusieurs choses advenues au Royaume de France depuis l’an 1513, jusqu’au trépas du roi François 1er, auxquels l’auteur a inséré trois livres et quelques fragments des ogdoades (17) de Messire Guillaune du Bellay, seigneur de Langey, son frère ». On peut d'ailleurs admirer au musée des ivoires d'Yvetot un très bel exemplaire de cet ouvrage, daté de 1572.
Ces mémoires, dans lesquels il décrit entre autres, les batailles de Marignan et de Pavie et s’attarde sur les principaux évènements du règne de François 1er constitueront par la suite un livre de référence pour tous les biographes du roi-chevalier, y compris jusqu’à maintenant, puisque Jack Lang, dans sa biographie de François 1er, publiée en 2009 chez Perrin (collection Tempus) cite les mémoires de Martin du Bellay dans sa bibliographie.
C’est par son mariage, le 31 juillet 1532, avec Isabeau Chenu, jeune héritière de la principauté d’Yvetot, qu’il devient prince d’Yvetot. Ni lui, ni son épouse ne semblent avoir beaucoup résidé à Yvetot, préférant leur château de Glatigny-en-Dunois, près de Châteaudun. Martin du Bellay, ne semble pas beaucoup s’être occupé, du moins dans les premiers temps de son mariage, de sa principauté. Ses domaines de Normandie, sont alors abandonnés aux soins d’hommes d’affaires et de procureurs. Mais à partir de 1543, on le voit porter son attention à ses biens et se préoccuper sérieusement des intérêts qu’il a dans la province. Il règle d’abord définitivement, au droit de sa femme, la succession de Pérot Chenu, roi d’Yvetot de 1498 à 1500. Mais il a surtout à résister aux assauts multiples et réitérés du Bailliage de Caudebec et du Parlement de Rouen contre les privilèges exceptionnels dont les terres d’Yvetot jouissaient. C’est ainsi que Martin du Bellay et Isabeau Chenu « Sieur et Dame d’Yvetot » doivent supplier à plusieurs reprises, le roi François 1er, puis son fils et successeur Henri II pour voir confirmer « toutes les franchises reconnues par Louis XI ».
François 1er leur donne satisfaction en leur accordant des lettres patentes en mai 1543, puis en juillet 1544. Mais c’est le 26 décembre 1553, qu’Henri II promulgue des lettres patentes (confirmant les lettres de jussion du 25 janvier de la même année) d’une importance aussi capitale que la lettre patente de Louis XI et qui subsisteront pendant plus de deux siècles, jusqu’à la nuit du 4 août 1789. Henri II retranche alors à Yvetot, sa souveraineté, c’est-à-dire le droit régalien de haute justice, mais confirme néanmoins les privilèges fiscaux de la principauté. C’en était fini du royaume d’Yvetot. A partir de cette date, commence véritablement la principauté. Martin du Bellay présente donc la particularité d’être le dernier roi d’Yvetot et le premier prince d’Yvetot (de fin 1553 jusqu’à sa mort en 1559).
Bien que ne résidant pas habituellement à Yvetot, ainsi qu’on l’a vu, Martin du Bellay, ne néglige cependant pas pour autant, sa cité. Il fait ainsi reconstruire l’église qui avait tellement souffert des combats du siècle précédent (Guerre de Cent Ans), qu’elle était menacée d’une ruine prochaine. Ce sera la troisième église d’Yvetot, jolie petite église pas plus grande qu’une simple chapelle, objet d’un dessin conservé à la Bibliothèque Nationale. Construite en belle pierres blanches et à « cul-de-lampe » (18), selon un manuscrit du XVII° siècle, elle présente une nef relativement élevée qui reçoit le jour par quatre fenêtres étroites et une tour carrée assez élégante surmontée d’une flèche en ardoises qui la sépare du chœur, lequel est petit et plus bas que la nef.
On ne connait rien de l’intérieur de cette église qui subira durement l’incendie du 20 août 1688, déclaré à huit heures du matin près du couvent des Bernardines et qui devait durer sept heures, engloutissant le centre d’Yvetot. Elle restera cependant debout, ainsi que le château, mais leurs toitures auront flambé. Le château, sera également rénové sous le règne de Martin du Bellay qui y fait sculpter les armoiries de sa famille tourangelle au-dessus de la porte d’entrée. Enfin, c’est lui qui fit planter des arbres en quinconce sur un kilomètre le long d’une avenue (aujourd’hui, la rue Carnot) qui partait du château qui se trouvait sur l’actuelle Place des Belges pour aboutir au Champ-de-Mars où il créa le Bois de l’Etoile.
Martin du Bellay meurt le 9 mars 1559 en son château de Glatigny où il vivait retiré des affaires et loin de la cour. Il fut sans doute parmi les rois et princes d’Yvetot, celui qui eut le plus de titres. Leur énumération relevée dans un acte de 1551 et reproduite par Serge Couasnon, p. 65 de son ouvrage « Le petit roy d’Yvetot », édité en 2005 chez Charles Corlet, donne une idée de l’importance du personnage :
« Noble et puissant seigneur, messire Martin du Bellay, chevalier, seigneur de Langey, essanson du roy nostre sire, gentilhomme de sa chambre, cappitaine de cinquante hommes d’armes et de ses ordonnances, lieutenant-général par le dict seigneur au pays et duché de Normandie en l’absence de Monseigneur le Dauphin et de Monseigneur l’Admiral ; seigneur de Glatigny, les Esteleurs, Rongnoux, Cauchy et Le Boucher d’Estouteville et, à cause de noble dame, madame Isabeau Chenu, son épouse, Roy d’Yvetot, prince de Saincte-Marye des Champs et Saint-Cler sur les Monts, seigneur d’Escales-Alix, Mauconduit, Lasse, Ponthereau, Le Plessis-Rougebec et Putilles ».
A Yvetot, La rue Martin du Bellay
D’après Louis Lapert, Courrier Cauchois du 26 aout 1976, texte dactylographié pour le l'hebdomadaire Le Courrier Cauchois.
Archives privées de la famille Lapert
Louis Lapert, journaliste et historien rédigea des articles sur les rues d'Yvetot.
" En donnant en 1958 le nom de "Martin-du-Bellay" à l'une des rues du centre d'Yvetot, celle qui part de la rue des Victoires, cotoye la place des Belges et aboutissait alors à la "Salle aux Poteaux" maintenant rasée, la ville s'honorait elle-même en faisant connaitre un des seigneurs d'Yvetot, qui, au XVIe siècle, fut à l'origine du rayonnement de la capitale cauchoise.
descendant d'une vieille et noble angevine, frère de Guillaume du Bellay de Langey, gouverneur du Piémont sous François 1er, et du cardinal Jean du Bellay, archevêque de Bordeaux et grand ami de François Rabelais, et en outre cousin de Joachim du Bellay, poète de la Pléiade et auteur de la "Défense et illustration de la langue française", Martin du Bellay, chevalier de l'Ordre Royal de Saint-Michel, successivement gouverneur de Turin au nom du roi de France, puis de Picardi et de l'Artois et enfin de Normandie, fut lui-même un grand capitaine des armées de François 1er, guerroyant à ses côtés en Italie, participant à ses victoires et à ses défaites : Il fut aussi son ambassadeur spécial près des princes d'Allemagne pour susciter sous la bannière de Charles Quint (pourtant adversaire acharné du rois de France) une armée contre les Turcs ottomans " ennemys de notre foy" menaçant la chrétienté. Dans ses "mémoires" (car il fut un historien qui ne négligea pas de narrer son propre rôle et ceux des frères Guillaume et Jean le Cardinal), Martin du Bellay a entre récits relaté l'entrevue d'un mois de l'évêque de Winchester, représentant le roi Henry VIII, roi d'Angleterre (qui n'était pas encore séparé de Rome) avec François 1er à Vatteville-la-Rue où le roi de France se trouvait en sa "maison" (dite du Roy") à l'occasion de chasses en forêt d'Arélaune (forêt de Brotonne) : il s'agissait de la préparation de cette fameuse "croisade", qui devait d'ailleurs avorter, contre les Turcs.
Ceci est rappelé pour souligner la haute personnalité de ce Martin du Bellay qui devint prince d'Yvetot par son mariage en 1532 avec Isabeau Chenu, héritière du titre elle-même originaire d'Anjou : les deux familles se connaissaient d'ailleurs, puisque Martin avait dans sa compagnie de "gens d'armes" le bâtard Robert d'Yvetot, pour lequel fût érigée la seigneurie de Réthymare et de Mézerville.
Sans doute meilleur guerrier et excellent diplomate pour les affaires du royaume de France que défenseur des intérêts de son petit 'royaume", Martin du Bellay, qui ne semble pas avoir beaucoup résidé à Yvetot, lui préférant son château de Glatigny-en-Dunois près de Châteaudun, ne peut résister aux assauts multiples et réitérés du Baillage de Caudebec et du Parlement de Rouen contre les privilèges exceptionnels dont les terres d'Yvetot ( et avec celles de Sainte-Marie-des-Champs, de Saint-Clair-sur-les-Monts et d'une partie d'Ecalles-Alix) jouissaient. Inhabile dans les procès normand et mal entouré par ses conseillers, Martin ne signa plus "roy d'Yvetot" mais simplement « prince d'Yvetot ».
Cependant on lui doit, comme nous l'avons signalé précédemment, la rénovation de l'église paroissiale (qui précéda celle édifiée deux siècles plus tard et détruite en 1940). On lui doit aussi la création du Bois de l'Etoile, et de son allée, au bout de laquelle, près de la Mare-la Ville, il instaura le plus grand marché de chevaux de la région : une légende dit même qu'à cette occasion il fit 'graver une médaille sur laquelle on voyait un cheval frappant le sol de son sabot".
Cette médaille, maintenant introuvable, aurait porté les inscriptions, d'un côté "Yvetot pinceps" et de l'autre "Moneta Mar. Bel. 1550".
A sa mort, en 1559, en son château de Glatigny, où il s'était retiré loin des affaires et de la cour, la principauté d'Yvetot fut gouvernée par sa veuve, en attendant qu'elle passe entre les mains de René Du Bellay, de la branche, dont il fit éditer les "Mémoires"
Louis Lapert
Dans un autre article du courrier Cauchois du 20 septembre 1958, Louis Lapert ajoute ces mentions :
" Ce fut surtout à partir de 1543 que Martin du Bellay semble surtout préoccupé de son royaumùe d'Yvetot [...] Mais sans doute Martin du Bellay n'était pas suffisamment normand ou cauchois [...] Sur le plan administratif, Martin du Bellay réprima énergiquement les abus et désordres introduits depuis longtemps à la Collégiale ST Jean fondé par Jehan IV d'Yvetot. [...] Martin du Bellay reconstruisit également le château, "bâtiment massif, carré, percé de fenêtres irrégulières, posé sur une motte artificielle, entouré d'eau de tous côtés et auquel on accédait par un pont de bois"
De cette demeure seigneuriale (!) il créa une avenue en direction de la Mare de la Ville (rue Carnot de nos jours, jusqu'à proximité du pont du gaz actuellement). A l'endroit où se trouve le champ de Mars, Martin du Bellay fit planter des arbres en quinconce dans lesquels des allées furent tracées en forme d'étoile, d'où le nom de Bois de l'Etoile que porta cet agréable rendez-vous dominical très fréquenté des Yvetotais pendant de nombreuses années. [...] La ville d'Yvetot se devait bien de raviver le souvenir de ce Martin du Bellay en attribuant son nom à l'une de ses nouvelles rues.
Louis Lapert